Paris - Nice - Moscou en train - Avril 2011

17/04/2011 Inoubliables Rameaux

C’est une journée tout à fait exceptionnelle qui nous attend. J’ai des frissons rien qu’à l’idée de devoir la décrire parce que c’est l’ambiance immatérielle, spirituelle et religieuse, familiale aussi, qui m’a touchée. Dur à coucher sur "papier". Le beau temps supposé et le meilleur des hasards - nous sommes le jour des Rameaux, une célébration religieuse peu suivie en France mais tout à fait incontournable en Russie -, nous décident aisément à sortir de Moscou et à nous rendre au Monastère de Sergueï Possad (anciennement Zagorsk) en train.

Nous avons tout fait pour dissuader Irina de se lever pour nous préparer le petit déjeuner. On l’a suppliée de s’octroyer une grasse mat’. On est dimanche ! Mais, il n’y a rien à faire, elle tient à se réveiller. Nous émergeons donc à 7 heures et prenons un soin infini à ne réveiller personne dans cette grande maisonnée. Mourzik gratte à la porte comme s’il attendait ce moment depuis la veille.

Nous levons les voiles vers 8 heures direction la Gare de Iaroslavl, une des "Trois Gares" qui se font face avec Leningrad et Kazan, le train partant à 9h07. Cela dit, nous arrivons facilement à prendre celui de 8h55.

Il est loin d’être plein. On s’installe sur ses vieilles banquettes à la mince couche de mousse affaissée. Elles font leur œuvre. Il y aura 12 arrêts pour 74 km. Trajet aller : 1 heure 20.

Une fois n’est pas coutume, je mets quelques hits des années 90 dans les oreilles, il ne me faut que du mellow ce matin et leurs rythmes lents vont en cadence avec le train.

Dans les forêts de bouleaux alentours, la neige persiste. Pour la première fois, des signes bien visibles des grands incendies de l’été 2010. Les fines silhouettes des bouleaux brûlés donnent un air triste à la campagne de l’Anneau d’Or. Les incendies n’ont pas engendré de « trou d’arbres » à cet endroit mais un mélange clairsemé d’arbres sains et d’arbres carbonisés.

 

On arrive bientôt à SP qu’on devine envahi par les touristes l’été (mais là absolument pas) au vu des nombreuses échoppes ça et là. On commence par se prendre un petit café dans un tout petit restaurant perdu au milieu du marché, à peine fléché. On tombe sur une adorable femme originaire du Tadjikistan. Ce qu’elle prépare sent délicieusement bon. On se lie très vite et elle raconte brièvement à maman sa vie. Mère de quatre enfants, elle ne trouvait aucun travail malgré son statut d’institutrice donc elle a fait le choix difficile de s’expatrier en Russie et est devenue cuisinière salariée. « Venez me voir là-bas, j’ai quatre sœurs toutes éduquées, une d’elles est même professeur en faculté. En plus, c’est un pays où il n’y pas de guerre ! ».

A défaut de lui promettre de nous rendre au Tadjikistan, on s’engage avec plaisir à revenir manger le midi. Le splendide Monastère se trouve à une dizaine de minutes à pied de la gare. Tout le monde se signe avant d’entrer dans l’enceinte fermée.

 

Maman gardait un souvenir complètement fou de cet endroit difficilement toléré par le régime soviétique. Elle se souvient [pardon cher lecteur] des vieilles femmes qui embrassaient avec dévotion les saints peints sur les murs, les recouvrant littéralement de bave. Et de la sévérité, la rigueur et l’austérité des popes.

 

Beaucoup de vendeurs ambulants en chemin

L'entrée principale

 

Avant d’entrer, je me sens déjà complètement imprégnée par cette vénération, cette piété environnante, aussi simple qu’épurée. Nous n’oublions pas de couvrir nos cheveux d’un foulard par respect pour ce lieu saint. Je décide de prendre un droit d’entrée de 100 roubles (2,5 €) pour mes photos et l’ecclésiastique me tend un CD de musiques orthodoxes accompagné d’un « petit cadeau ! » prononcé dans un français parfait. Sympa.

 

 

Un inconvénient des Rameaux : les offices sont surchargés et on ne peut plus entrer dans la majorité des églises. Néanmoins, on passera un long, très long moment dans un coin de l’église de l’Assomption « juste pour observer le culte ». Les reliques des saints ne sont non pas « embrassées » mais « baisées avec passion » et chacun va allumer et placer son cierge avec grande précaution. Sans se douter qu’il sera éteint et jeté l’instant d’après par une des employés du Monastère.  Tout un chacun porte à la main quelques courts bouquets de Rameaux, des branches de saule.

Queues interminables en ce jour de Rameaux

Un moment fabuleux, vraiment, même pour l'athée que je suis

 

L’ambiance est intimement festive. J’aurais jamais cru écrire ça un jour mais elle est comme ça, exactement comme ça.

Puis comme promis, nous rallions notre restaurant où notre adorable femme tadjik nous prépare des salades et un plat d’escalopes de veau avec amour. Retour dans le Monastère (l’entrée est libre). On achète un des deux gâteaux traditionnels de Pâques, le Koulitch, une brioche dense et cylindrique glacée sur le dessus avec les inscriptions XB, « Le Christ est ressuscité ». Il est réalisé au sein du Monastère et vendu à son profit 250 roubles. Pour moi, un cousin du Kouglof, aussi bon parce que pas trop sucré. L’autre gâteau traditionnel, la Pashka, étant encore introuvable (trop tôt) et intransportable (pyramide de fromage blanc travaillé et égoutté).

J’ai oublié de préciser que la journée est superbe. Pas caniculaire non ! Mais ensoleillée… Ce beau temps nous incite à ne pas rentrer trop tard pour profiter encore de Moscou. Direction une boutique artisanale où nous ne trouvons que des objets « Made in Russia ». J’y trouve des matriochkas adorables qu’Irina prendra plaisir à ouvrir et refermer. Vraiment un objet magique.

 

Cette même soirée, j’en profite pour lui parler d’un artiste russe que j’adore, Alexandre Konstantinovitch Petrov et notamment son extraordinaire court métrage d’animation réalisé en 2006 « Mon Amour » « Moya Lyubov ».

 

En fait, Petrov peint du bout de ses doigts sur une plaque de verre des dizaines de milliers de tableaux. Ces derniers photographiés et compilés constituent des films d’animation d’une rare poésie, d’un onirisme à vous ouvrir le cœur en deux, sans compter une fluidité inédite. Bref, tapez « Petrov » d’urgence sur votre moteur de recherche favori et régalez vous !

 

Encore sous le charme de Sergueï Possad et d'avoir revu le conte d’amour de Petrov, je pars me coucher, des étoiles pétillants dans ma petite tête.



14/05/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour