Voyage aller : Paris - Nice - Moscou
9 et 10 avril 2011 : Paris -> Nice
Samedi 9 avril 2011
Le départ de ma petite gare de banlieue et nos soixante kilos de valises...
Paris, Gare de Lyon
Tous les trains sont à l'heure. Le temps est à se damner. On trouve bien vite les consignes de la Gare de Lyon pour aller manger un bout et se promener dans la Coulée Verte.
Coulée verte
Ambiance bronzette. Ah le farniente des week-ends parisiens...
TGV Paris-Nice
20h53. Je m'abandonne dans les bras de Morphette. Nous serons à Nice dans un gros quart d'heure et il nous reste à mouvoir nos quelques soixante kilos de valises jusqu'à notre hôtel, quand on l'aura trouvé. La clim est à fond dans le TGV et j'ai les pieds froids. Tandis que dehors il fait encore une bonne vingtaine de degrés à en croire les badauds en tee-shirts.
Marseille, Bandol, La Seyne sur Mer, Draguignan, Cannes défilent sous nos yeux. Maman potasse son guide de russe et me donne ma première leçon "je suis française". Sachons placer les choses dans leur contexte. On grignote quelques trucs en espèrant trouver un endroit où manger en arrivant. Dernière note : il fait nuit noire, ça va être plus compliqué que prévu de se déplacer.
On arrivera à Nice à la nuit tombée...
Dimanche 10 avril 2011
A nous Nice ! Mon premier ressenti de la ville est moyen. Après une heure de trainage de valises hier soir, nous prenons l'option bus pour rallier la gare. On est dimanche et l'attente nous parait interminable. Notre préoccupation principale c'est de nous débarrasser de nos valises et de nos sacs de denrées. Nous cherchons activement les consignes, elles sont là à gauche, et à nous la liberté !
Nous nous plongeons avec délice dans les chaleureuses ruelles du Vieux-Nice. Les bonnes odeurs me surprennent : savons, lavandes séchées, épices douces... Nice est méditerranéenne mais Nice est surtout une ville du Monde avec son doux mélange de quartiers populaires, de luxe, de farniente. Après une soirée un peu fatiguante et une nuit collée aux va-et-vient d'un tout proche ascenseur, me voilà prise dans les filets de Nice.
Port, Promenade des Anglais, superbe vieille ville, beau centre, château. Nice a tout pour plaire.
Socca niçoise, poivrons confits, petits farçis, pissaladière et beignets, on se régale...
Une dégustation de produits locaux, un petit tour sur la Promenade des Anglais et voilà que la journée va prendre un tournant inattendu. Sur un banc, à la vue de tous, un portefeuille. Fichtre me dis-je, si je le laisse là, aucune chance pour son propriétaire de le retrouver. Je me souviens m'être fait voler mes papiers quelques années auparavant et la galère qui s'en est suivie pour les faire refaire.
En ouvrant le portefeuille, j'espère que son propriétaire sera facilement joignable mais je déchante bien vite. Il est iranien, il est étudiant en Norvège et il portait des centaines d'euros sur lui. Petit miracle d'internet, j'appelle mon mari qui trouve son numéro de portable sur les pages blanches norvégiennes. Premier message de ma part en anglais "J'ai trouvé votre portefeuille, écrivez moi vite car je quitte Nice dans la soirée". Puis j'essaye de l'appeler sans succès. Ce n'est qu'au pire moment de la journée, alors que j'ai finalement confié son portefeuille à la maréchaussée et que je viens de commander un cornet de glace et que je m'apprête à le récupérer qu'il m'appelle avec une émotion palpable. Bien sûr il veut me remercier, il veut me voir, il veut m'inviter au restaurant, il veut savoir où est son PF.
Mise à jour du 12/05/2011 : J'ai pu discuter avec Amin, mon étudiant iranien, sur FB. Il va bien, s'est remis de ses émotions et a lui-même trouvé le portefeuille de quelqu'un en Italie la semaine suivante...
Je trouve que cet épisode est de très bon augure pour débuter notre périple européen. Il commence à être tard, nous sommes presque arrivées à la gare. A partir de ce moment, l'attente devient comme une seconde nature, le temps s'étire et plus rien ne presse...
Vers 19 heures, le voilà. Fier, gris et bordeaux, c'est notre train...
Ligne Nice - Moscou : provodnics
Nice-Ville
J'ai presque cru à une hallucination à l'arrivée sur le panneau des six lettres magiques !
On est montées dans l'îlot russe ;-)
C'est une demi-surprise mais nous ne sommes que toutes les deux dans notre wagon. Du coup, nous avons chacune une cabine et elles communiquent entre elles. Il y aurait normalement jusqu'à trois couchettes par cabine, ce qui me parait délirant. Les espaces sont quand-même très restreints. La couchette tout en haut est archi-minuscule.
Comme prévu aussi, notre accompagnatrice, notre provodnic, n'est pas souriante du tout. Il y a un autre provodnic, un homme blond de taille moyenne, légèrement plus aimable. Seul l'employé du wagon-restaurant, Jénia, un étudiant ukrainien, est adorable. Il baragouine le français car il a bossé un temps à Courchevel.
Italie
Nous voilà déjà en Italie et il fait noir. Le train est hypercalme et roule doucement. Je sens que je vais bien dormir. Ce qui m'amuse, c'est le cérémonial autour de la douche. Maman demande si on peut se doucher. Réponse "oui, il faut demander à l'avance et je viens vous ouvrir". Puis le provodnic revient nous demander si on compte se doucher dans la soirée ou le lendemain. Débute une sorte de dialogue de sourds avec notre couple de provodnics, ils sont tellement heureux de travailler sur cette ligne que je me demande s'ils ne sont pas en plein bizutage.
On commence à manger quelques conserves et du pain frais quand l'homme arrive pour nous prévenir qu'il s'absente un quart d'heure pour manger. Je n'entends plus que le roulis du train et les bulles de ma canette de Perrier.
Nous constatons assez vite qu'il y a plus d'employés que de voyageurs dans le train, les autres wagons sont tout aussi vides. Dans notre wagon, la provodnic s'appelle Iélena. Nous réussissons de temps en temps à lui arracher un timide sourire. Je suis incapable de lui donner un âge. Ni jeune, ni vieille, tristounette. Le soir venu, je demande un truc apparemment "extraordinaire" au provodnic, celui de m'ouvrir la couchette du milieu au lieu du bas.
Il ouvre de grands yeux et s'écrie zatchem?? (pourquoi). En me rappelant de mes traversées en train de nuit de l'Egypte où la couchette du bas était la plus infernale, je dis tchoum (le bruit). Il ne veut rien savoir, je laisse couler. Arrivé dans sa cabine presque voisine, il raconte tout à un machiniste venu chercher sa tasse de thé au samovar et c'est parti pour un quart d'heure de fous rires. Au moins, je lui ai permis de passer un bon moment.
Le plus sympathique, c'est Jénia (pour Evguenia?) avec lequel j'aurais quelques bonnes conversations. Il nous informe que le wagon-restaurant ferme à 23 heures, soit dans une bonne heure. Nous faisons un saut pour boire un café. Il est superbe car panoramique. Je viens de voir des bouts de coucher de soleil sur la Riviera et je ne m'en remets pas.
Je passe une drôle de nuit. On discute avec Maman jusqu'à environ une heure du matin, jusqu'à l'arrêt en gare de Milan puis on essaye de dormir. C'est difficile bien que la couchette soit confortable. Je dois résister toute la nuit à l'envie d'ouvrir mes rideaux. Où sommes nous ? Où passons nous ? Ma seule consolation, c'est que tout ce trajet je l'ai fait l'été dernier en voiture de Salzburg à Innsbrück. Vers six heures du matin, je suis définitivement réveillée et prends mon petit-déjeuner. Tout est magnifique dehors. Maman dort bien donc j'attends sept heures et le passage du Col du Brenner pour lui dire où on est.
Mieux que la TV, une variété de paysages. L'Autriche est reposante.
Ligne Nice - Moscou : jour du milieu
Lundi 11 avril 2011, Autriche
Je somnole de temps à autre jusqu'à 9h30 - 10 heures. De toutes façons, rien de presse. On a l'impression d'avoir fait un trajet immense mais, dès que l'on regarde la carte d'Europe, on voit sans y croire tout ce qui reste à parcourir.
Moscou, à combien de doigts de nous sur la carte ??
L'aller dure trois jours et deux nuits, soit de loin le plus long trajet de train de ma vie "one shot" !
Le wagon-resto polonais de Jénia avec le décor enchanteur de Zell-Am-See, non loin de Salzburg.
17 heures. A nouveau une petite pause café au wagon-restaurant. Jénia nous apprend que c'est sa dernière soirée de travail. Que lui et son équipe composée de polonais s'arrêtent à Varsovie. Varsovie que nous atteindrons selon nos calculs en pleine nuit vers 2h30 - 3 heures du matin. Il nous dit catastrophé "Après nous, ce sera un russe qui cuisinera !". Ambiance...
Charme du voyage : tout bouge, tout évolue, les noms, les alphabets, les glyphes...
Nous passons en périphérie de Vienne. J'ouvre l'oeil et le bon car elle est sur ma liste des villes que je souhaite découvrir. J'aperçois un graphiti très réussi de l'inspecteur Derrick et de son acolyte que je n'ai pas le temps de photographier. Pour l'instant nous sommes encore à l'heure française.
Les majordomes magnétiques des portes élargissent notre horizon nord-sud.
Soirée
Maman tente de prendre sa douche mais, à mi-chemin, il n'y a plus d'eau. C'est d'ailleurs "vaches maigres". Plus d'essuies-mains, plus de papier toilette... Nous prenons une petite collation du soir. Un employé d'un certain âge passe dans le couloir. Arrivé devant la cabine d'Iélena, il lui dit en russe "elles mangent !". Non, on ne se sent pas surveillées ;-) Jénia vient nous dire au revoir.
Périphérie de Vienne avant la République Tchèque...
Nous passons en République Tchèque puis en fin de soirée en Pologne. Nous prévoyons le coup du passage à la frontière biélorusse. C'est aussi la frontière russe pour nous autres ressortissants de l'UE, résultant d'un accord entre les deux pays. C'est sans doute pour cela qu'il faut s'acquitter du visa de transit biélorusse (30 euros pour deux passages tout de même) en plus du visa traditionnel russe. Le premier ne s'obtenant que si on possède le deuxième. Donc nos provodnics ne nous disant jamais rien, on décide de se réveiller toutes seules avec une heure estimée de contrôle frontière. On garde un souvenir assez glauque de notre passage frontière de la République Tchèque en pleine nuit de février 1996 avec les miradors, la neige et les bergers allemands... Je n'ai pas envie de revivre cela.
Belorusskaja est le nom d'une des nombreuses gares de Moscou, la nôtre.