(Re) découverte de Moscou en dix jours : 12-15/04/11
12/04/11 Fin de soirée
L'appartement est très grand mais il est divisé en de nombreuses pièces. Nous avons certainement la plus grande, une salle à manger, partagée entre deux armoires, un buffet, un bureau, un piano et bien entendu nos couchages et une table. Le premier soir, nous discutons longuement. La visite de quelques autres pièces ne nous laisse plus de doute, nous sommes dans un logement communautaire ou dans une sous-location de colocation (vous suivez...).
Vers deux heures du matin, je reviens des toilettes et croise un jeune homme torse nu avec sa serviette sur l'épaule. Le VTT qui trône dans le fourbi de l'entrée doit être le sien. Le lendemain, j'entends un nouveau-né pleurer. Puis je croise une jeune fille sortie d'ailleurs. La précaution avec laquelle les portes s'ouvrent et se referment nous laisse penser que la situation n'est pas évidente pour Irina. Ou loge t-elle et avec qui ? Mystère.
Donc le premier soir, nous nous couchons "à pas d'heure" après avoir visionné un téléfilm sur Youri Gagarine avec Irina. Nous sommes effectivement le soir d'une journée de fête pour les russes : la journée des cosmonautes, célébrant le 50ème anniversaire du premier vol spatial autour de la Terre à bord du satellite artificiel Vostok de ce héros national et international.
Ci-dessous quelques photos de notre gare d'arrivée, la gare de Biélorussie au nord-ouest de la ville...
13/04/11 Tretiakov !
Irina nous prépare le petit-déjeuner. Le café est à la turque, c'est-à-dire non filtré. Sinon il y a de la confiture, un yaourt chacune, quelques tranches de jambon, du beurre et du pain blanc.
Nous nous devons de commencer notre première journée par l'enregistrement de notre séjour auprès d'une agence située dans le quartier de Tsverskaya. Les débuts dans le métro sont plutôt difficiles. Nous errons un peu. Le système de numérotation des immeubles par numéro de rue ET par bloc nécessite aussi un temps d'adaptation.
Il fera 5°C sous abri en moyenne pendant tout le séjour. Même les russes sont étonnés de si basses températures.
Le Zoo est sous la glace, les oiseaux font du patin.
La spectaculaire et solennelle entrée de notre station de métro Novoslobodskaya
Fabuleux passages moscovites qui permettent aux piétons d'éviter les traversées de boulevard mais aussi de faire des emplettes dans de minuscules échoppes d'à peine un mètre de profondeur.
Précision pour le métro, nous avons tout de suite "investi" dans une carte de 60 trajets non nominative qui coûte moins de 28€. Le problème des déplacements est donc enterré. D'ailleurs, il ne nous restera que 6 trajets sur la carte magnétique...
Je me demandais à quoi servaient ces rails à gauche... Pour les poussettes apparemment.
Nous trouvons un réconfort inattendu dans la chaleur des locaux de l'agence. En effet, il fait un froid humide dehors. On trouve partout des nids de poule remplis d'eau grisâtre. Nous nous acquittons de 1000 roubles (25€) pour l'enregistrement de nos dates d'arrivée et de départ du territoire russe. L'instant d'avant, nous avions trouvé une banque sans commission pour changer nos euros.
En face de l'agence, la Maison Centrale des Ecrivains. Dom Literatow. Essentiellement un restaurant.
Sorties de l'agence, nous cherchons la "Galerie Tretiakov". Irina pense que le temps ne fera que s'améliorer et nous conseille vivement de débuter notre séjour par les visites de musées et galeries. Un jeune homme propose de nous y accompagner nous voyant perdues dans notre plan. En fait, il va marcher plus d'un quart d'heure avec nous. Je suis un peu gênée car il se met visiblement en retard pour son travail.
Nous trouvons en face de la Galerie un restaurant végétarien, le café Cok. Rien de typiquement russe mais révélateur de la variété et de la qualité de ces КАФЕ "cafés" , mot qui désigne un restaurant tandis que РЕСТОРАН "restaurant" existe et désigne un établissement gastronomique, haut de gamme. Rassurez vous, on mange déjà très bien dans les "cafés" et j'adore la graphie du mot.
On entre en même temps qu'une femme russe. Elle me fait signe en souriant "venez vous asseoir avec moi !". Elle doit avoir dans les 45 ans, s'appelle Tatiana, est designer et vit en Ossétie. On discute un brin puis on se quitte. Je m'inquiète un peu de la vision qu'elle a de la France depuis les "émeutes" de novembre 2005. Les vidéos des voitures et des bâtiments qui brûlent sont passées en boucle sur la TV russe et ont fortement marqué les esprits. Je l'entendrai et le ré-entendrai pendant tout le voyage.
De l'autre côté de la ruelle, la superbe Galerie Tretiakov, indispensable, un régal pour les yeux... Attention à ne pas confondre avec la Nouvelle Galerie Tretiakov visitée un autre jour. Les musées russes ont souvent des noms peu évocateurs et puis on s'y mélange un peu.
Cette Galerie doit son nom et son existence à Pavel Tretiakov, industriel du XIXème siècle et collectionneur d'art. Elle concentre des chefs d'oeuvre de la peinture russe allant du XIème au début du XXème siècle (bâtiment Lavrushinsky).
Principaux artistes exposés (merci Wikipédia) :
Ivan Aïvazovski, Ivan Argounov, Abram Arkhipov , Marc Chagall, Ivan Chichkine, Nathalie Gontcharova, Igor Grabar, Vassily Kandinsky, Andrei Kolkoutine, Dmitri Levitsky, Xavier de Maistre, Kasimir Malevitch, Alkis Pierrakos, Ilya Repine, Andreï Roublev, Zourab Tsereteli.
Attention, chefs d'oeuvre en cascade. Visite incontournable !!
Entrée magique à l'image de l'intérieur envoûtant
Petites remarques sur les musées et galeries moscovites :
• Les photos sont généralement interdites. Quelques musées les autorisent contre 100 ou 200 roubles (quelques euros). J'en ai peu faites en intérieur préférant m'enfermer dans mon syndrome de Stendhal.
• Il y a souvent une double tarification, les russes payant bien moins cher que les étrangers.
• Froid oblige, il y a partout des consignes gratuites. Extraordinairement pratique et agréable de déambuler sans son gros manteau, ses accessoires et son sac. Bravo, vraiment bravo pour ce système fort enviable.
• Dans la plupart des musées et notamment dans les "maisons-musées", il vous faudra chausser des épaisses sandalettes de cuir en guise de sur-chaussures. Quelquefois, on vous propose à la vente pour quelques roubles des petites protections de chaussures en plastique type clinique, plus agréable à porter.
Sexy et glamour, l'accord parfait avec mes uggs !
Maman a noté une adresse d'église à visiter. C'est en fait tout le quartier qui est en travaux. Moscou change vite, très vite et j'ai fait trois photos pour illustrer mes dires.
Belle et délabrée...
Bientôt encerclée par un vaste projet immobilier !
Nous traversons pour la première fois la Moskova en direction du Kremlin. Sur le pont, des cadenas d'amoureux à perte de vue.
Il commence à pleuvoir à verses et je me jette dans la première supérette venue pour me ravitailler en muesli pour compléter le petit-déjeuner du matin.
A l'abri de l'averse moscovite.
Le soir, nous allons prendre une soupe et un beignet à la viande dans une chaine qui s'appelle Mou-Mou et qui me laisse mitigée. Les portions sont minuscules (mais c'est pas cher, c'est vrai) et ma soupe est inbuvable car trop salée.
Un thé proposé de retour dans l'appartement par Irina me remettra la bouche au bon PH.
14/04/2011 Quartier Place Rouge
Le matin, direction la billeterie du Bolchoï (mot qui signifie grand en russe) pour récupérer des places de ballet achetées plusieurs mois auparavant. C'était une surprise pour ma mère. J'avais le choix entre plusieurs spectacles et mon choix s'est porté sur The Bright Stream de Chostakovitch qui débutait tôt, 19 heures. Ne sachant pas si Moscou était une ville fréquentable le soir (maintenant je sais que oui), je n'ai pas pris le risque de sortir trop tard.
De plus, The Bright Stream est un ballet "comique", "léger", "divertissant". A bas les tragédies ! Pas envie de tragédies, pas besoin de tragédies.
A noter que le fameux théâtre est en travaux. Travaux qui ont pris un retard considérable. On estime sa réouverture en fin d'année 2011. Cela dit, la salle voisine où nous avons passé une très bonne soirée est tout à fait charmante. Donne une idée de ce que doit être le Bolchoï.
J'aime la logique russe. La station de métro desservant le Bolchoï est Teatralnaya, celle du complexe olympique Loujniki "Sportivnaya"...
Excellente idée : dans les billetteries, on trouve des maquettes des salles de spectacle. Aucune ambiguité possible sur le placement car chaque mini-siège est numéroté...Ici la salle provisoire du théâtre Bolchoï.
En chemin, nous passons par la sinistre place qui abrite la Loubianka, le siège du KGB. Tous les bâtiments de la place font froid dans le dos. Non loin du Bolchoï, on trouve aussi l'imposante Douma, le parlement russe.
La Loubianka et ses ondes négatives. J'ai la chair de poule rien qu'à longer ses murs.
Autre vue de la Place Loubianka
La Douma d'Etat...
Puis nous nous rendons enfin sur la place russe la plus connue, la plus montrée, la plus emblématique : la Place Rouge. Elle est aussi en travaux et ça lui donne un charme fou. Voyez plutôt les photos.
En chemin : Russie, terre des ours et des loups, je confirme.
Soldat Inconnu
Toujours un frisson quand l'Histoire se croise.
La Place Rouge est bicolore : pavé gris et sable doré !
Votre serviteur [caille]
Il est l'heure de faire pitance et c'est l'occasion d'aller manger un bout dans le Goum, qui me fait penser aux grands magasins du boulevard Hausmann mais agencé différemment. Maman se souvient du Goum des années 70 avec ses magasins d'Etat. Maintenant on retrouve dans ses rues architecturales les franchises internationales et kyrielles d'articles de luxe. Petite entorse : nous mangeons italien.
Enfin, il est l'heure de flâner sur la Place Rouge, de ne pas se lasser de regarder la maison d’Hansel et Gretel la cathédrale Saint-Basile qui est aussi belle qu'en photos - même par temps maussade. C'est finalement la première "vraie" fois où je visite un monument religieux orthodoxe. Tout se passe en hauteur, les fidèles ne peuvent s'asseoir. Les iconostases, ces murs d'icônes très richement parés, nous happent littéralement, nous captivent. Il y a plusieurs salles de prières et c'est ainsi dans toutes les autres églises que j'ai pu visiter.
On zappe Lénine. Maman se souvient de files d'attente délirantes devant son Mausolée dans les années 70. Et aussi l'avoir vu bouger car ses lunettes ne correspondaient plus à sa vue. On zappe aussi le musée d'Histoire. Moscou en dix jours est un défi de toutes façons, il y a tant à voir.
Mausolée de Lénine.
Musée d'Histoire.
Et cathédrale Notre Dame de Kazan. C'était le zapping du jour...
Non loin de la Place Rouge, nous nous rendons à l'adorable Palais des boyards Romanov, boyard étant une forme d'aristocratie. Un témoignage précieux d'un cadre de vie noble au XVème siècle. Un coup de coeur qui me rappelle un précédent voyage en Norvège. Une vraie maison cosy, un vrai cocon, l'étage est tout de bois vêtu avec un système de chauffage ultra astucieux. Les poêles d'époque sont d'ailleurs de vrais objets de curiosité et de décoration, ancêtres céramiques du poêle de masse. Je n'en ai malheureusement pas photographié et le regrette "présentement".
Palais des boyards Romanov
Nous visitons en même temps qu'une classe d'élèves de primaire. On le remarque et le remarquera souvent : ils sont super super sages. Pas comme les ados qui ne peuvent s'empêcher de resquiller devant les agents de surveillance du métro devant alors s'époumoner dans leur sifflet pour signaler la fraude. Souvenir super comique de Moscou !
A première vue, les agents des musées (souvent de vieilles femmes russes) ont l'air froid mais très vite ils se métamorphosent en des personnes charmantes, souriantes et particulièrement serviables comme dans la galerie Tretiakov. Bien sûr, on était hors saison. Sans exagérer, il y avait quasiment toujours plus d'agents que de visiteurs dans les musées. En sortant, nous remarquons de gros tas de neige. Il y en a partout autour du Palais.
Je précise qu'avril est finalement un bon choix pour visiter Moscou car hormis l'inconvénient de la fraîche et humide météo, les musées ne sont pas plein. Pas de file d'attente. Tout le monde nous renseigne avec bon cœur. Les voitures sont conciliantes avec les piétons... De manière générale, les moscovites sont plutôt tranquilles, en vrais nordiques.
Et alors, un vent de fraîcheur et de folie pour finir la journée... La visite de l'incontournable musée Maïakovski. Indescriptible, il faut le voir.
C'est une ancienne et vaste résidence d'artistes transformée en un espace dédié à l'écrivain. Un savant mélange d'architecture (recherchée et très basée sur le travail du métal, je pense à l'évocation du Pont de Brooklyn), de souvenirs intimes, voire reliques de M. et de transposition de son écriture dans l'espace. A son image, une destructuration, un cheminement et le thème omniprésent de son humanisme enrichi de ses nombreux voyages. L'intérêt aussi c'est le travail d'équipe, le tribute que représente ce musée : des réalisations de nombreux artistes qui ont néanmoins respecté un axe commun, rendant l'ensemble de l'espace d'exposition cohérent. Ce n'était pas gagné. Le musée est - une fois n'est pas coutume - gratuit. Les salariés sont de vrais passionnés de M.. "J'ai vu des yeux briller".
L'entrée donne le ton de ce musée peu commun.
Après les chevilles ailées, l'oeil chevillé.
Le musée est à découvrir, ne serait ce que pour sa formidable scénographie.
Magnifique et sculptural travail qui m'a beaucoup touchée
Lili Brik (soeur d'Elsa Triolet) était sa muse.
Ils font un temps ménage à trois avec son époux. Comme M., elle se donne la mort 48 ans plus tard.
Nous visitons la rue Ilinka sur les conseils d'Irina mais là... Pardon, je n'y trouve rien de spécial. Surtout quand on a vécu à Paris. Ensuite, retour aux bercailles. On passe chercher des places de théâtre de marionnettes pour le samedi après-midi. Et on dîne dans la chaine Elki-Palki (apparemment c'est un équivalent de oh merrrrr...credi, un truc anti-grossièreté, sinon ça veut dire sapin-bâton, ne cherchez pas...). Bon cette chaîne, on en a fait notre cantine. On y a très bien mangé pour moitié prix de la France je dirai. J'imagine que c'est relativement cher en local.
La rue Ilinka...
Le soir, Irina passe un temps infini à nous trouver nos horaires d'ouverture de musées et à nous donner toutes sortes de conseils. Elle manque de s'étouffer devant certains de nos desiderata...
• N°1 : aller voir des vestiges de l'Union soviétique et par exemple le parc des statues déboulonnées. C'est un délire qui ne fait vraiment pas rire les russes, croyez moi !
• N°2 : notre soirée au Bolchoï. Mais pourquoi Bolchoï ? Stanislas MIEUX ! Ben... parce que vu de France, on connait pas Stanislas, OK ??
• N°3 : sortant mon maillot de bain, y a une chouette piscine dans le coin ? Irina, montrant toutes les directions possibles (sauf le plafond !), y en a là là là et encore là mais POURQUOI PISCINE ????
Bilan : Irina 3 - Nous 0 ;-)
C'est pour rire tout ça, je la remercie vraiment beaucoup pour tout le temps passé à nous aider dans notre périple moscovite ! Mais je confirme qu'on a renoncé aux points 1 à 3 !
Ah j'oubliais... Il y a une répétition générale des célébrations du 9 Mai (= notre 8 Mai) dans les rues de Moscou à 22 heures mais il pleut terriblement et le vent glacial s'est levé. Après une journée bien dense, nous restons au chaud.