Russie - Pologne
Cette fois, le train est bondé. Nos valises sont lourdissimes, leurs coutures, prêtes à craquer. Notre provodnic nous aide à les monter et on découvre notre nouvelle cabine. Minuscule. Mauvaise surprise, nous serons bien trois à y dormir. Il y a une jeune femme russe avec nous. Elle s'absente souvent dans la cabine jumelle, étroit dortoir d'hommes. Elle vient se coucher tard, après que nous nous soyons longuement débattues avec nos housses de couette. Les lits étaient à faire entièrement.
Avant de dormir, on a eu doit à une crise de rire avec ma mère. Un "russe bourré" est entré dans notre cabine (encore en position banquette), sa bouteille à la main. Je le surveille du coin de l'oeil quand survient un autre beuglant à la main avec - pas de jaloux - sa bouteille en main. On se regarde (oui je peux jeter le "regard-qui-tue") et maman me traduit ce qu'il vient de dire "Qui veut des boissons ? Mais... pourquoi elle fait cette tête-là, celle-là ??". Bref, c'était un vendeur.
La nuit est aussi bizarre qu'elle puisse être dans un train. La promiscuité est telle que je ne peux même pas tenir assise dans ma couchette. Maman et la jeune femme soufflent à tour de rôle pour ne pas dire qu'elles ronflent comme des sapeurs. Puis elles sortent chacune leur tour en direction des toilettes. Notre porte s'ouvre toute seule, bat dans le couloir. Je n'arrive pas à la refermer sans risquer de tomber, je renonce. Je suis fatiguée et leurs escapades me semblent durer l'éternité.
Vers 10 heures du matin, notre voisine de couchette dort encore. Nous allons au wagon-restaurant. On a dépassé Minsk et il reste trois heures jusqu'à Brest, le poste frontière avec l'Europe. J'ai mangé du muesli et maman commande une omelette. 350 roubles, nos tout derniers sous. Ce n'est ni bon, ni propre. Mauvais prestataire pour la RZD. Quand je pense à l'espace formidable que nous avions à l'aller mais morne, sans vie, sans agitation.
Cette fois, le personnel est plus sympathique. Le train est bien plus chauffé alors que nous nous acheminons vers le vrai printemps de l'Europe occidentale.
Drôle de trajet, nous avons déjà passé le fuseau horaire de Minsk (-1h) et bientôt celui de la Pologne/Allemagne. Mine de rien, cela nous rajoute deux heures de trajet psychologiques. Notre comparse est descendue avec ses amis dans la ville biélorusse de Baranavicy où habite sa grand-mère.
On passe le poste-frontière de Brest. Quelqu'un ramasse nos passeports et un douanier nous demande combien on a d'euros sur nous, si on en a plus de 1000. Je me marre car il m'en reste 6 à peine et 15 kopeck. Puis c'est le toujours très impressionnant changement de bogies qui emploie un nombre incalculable de gens.
Ce que je n'avais pas vu à l'aller, ce sont ces femmes biélorusses de 40/50 ans qui défient le danger des voies et surtout de l'atelier pour essayer de nous vendre des boissons, des barres chocolatées, des mouchoirs... Une femme essaye de rentrer dans notre wagon et se fait littéralement "jeter" dehors par nos provodnic à grands coups de "dégage".
A noter que le taux de change roubles/euros a dû exploser dans la nuit. Hier soir, un thé était facturé 16 roubles et ce matin... 60 ! Soit trois euros les deux thés, chapeau l'artiste. Il n'est pas cher dans le crasseux wagon-restaurant qui -j'espère - est en train de se faire raccrocher ailleurs.
A Brest, les militaires/douaniers sont plus tendus que jamais à cause des attentats du métro de Minsk. A l'aller, on a pu se déplacer dans la gare de Brest mais cette fois un policier nous demande de rester près du train. On fait une pose de cinq minutes. Quel bonheur de sortir dehors. Le temps est admirable. Puis on reprend le chemin, le court chemin vers l'UE avec le passage du poste-frontière de Terespol en Pologne. On est contrôlées plus légèrement qu'à l'aller, logique dans ce sens. Le douanier nous demande simplement si on transporte de l'alcool et des cigarettes. A l'aller, sa collègue avait fouillé notre banquette et nos valises, m'avait dévisagée...
Ouf, de nouveau, nous avons un super wagon restaurant polonais de la chaine Wars. Salades, bières, boissons.
On papote un peu avec notre voisine russe, médecin retraitée qui partage son temps et son énergie entre Bruxelles et Moscou. Elle a choisi ce moyen de locomotion parce qu'elle a peur dans l'avion. On se met bien tôt au lit en prévision de notre lever à 5 heures du matin.